Ceux dont je vais vous parler aujourd’hui fréquentent le Camargue de temps immémoriaux. Bien armés pour accomplir leur destin, ils écument les marais, les lagunes, cheminent le long des canaux. Chaque année au printemps et à l’automne, ils sont des milliers à se réunir sur nos rivages lors des migrations. J’ai nommé les chevaliers.

Bien sûr il est bien rare de les voir monter sur des chevaux mais tous sont à la recherche inlassable du graal : le ver de vase sacré, la larve de diptère charnue, la libellule enchantée constituent leur quête principale et vitale.

En réalité les chevaliers sont d’une grande famille composée de plusieurs branches, il y a les Chevaliers Sylvains et Culblancs venus du Nord, maîtres des rizières. les Arlequins adeptes de la toundra arborent des armures bariolées. les Guignettes sont courts sur pattes et dominent les roubines. Les Gambettes, eux, ont fondé famille dans nos contrées. N’oublions pas les nobles Aboyeurs les plus massifs d’entre eux. Enfin, les rares Stagnatiles qui leurs ressemblent en miniature nous viennent du Proche-Orient. 

On dit même que parfois certains cousins venus de contrées plus lointaines encore, d’Asie ou d’Amérique se joignent aux agapes des festins organisés aux équinoxes.

En réalité, cette famille d’oiseaux fait partie des limicoles, ces petits échassiers de rivages qui fréquentent nos berges tout au long de l’année mais dont le nombre augmente considérablement lors des migrations de printemps et d’automne.
Qui sont-ils ?

Chevalier gambette dans les salines

Chevalier gambette

Les chevaliers gambette sont les plus communs en Europe. Ce sont les seuls chevaliers qui se reproduisent en Camargue. Les pattes des adultes sont rouges tout comme la base du bec qui se termine par une pointe noire. Leur cri, un « tiu tiu tiu » répétitif aigüe est caractéristique. L’observation d’un large miroir blanc sur l’aile en vol finira de nous assurer de la bonne reconnaissance de cette espèce.

La Camargue représente l’un de leurs rares lieux de nidification en France et regroupe au maximum une cinquantaine de couples. (Ils nichent également dans les marais atlantiques ou de la Manche ainsi que sur les étangs languedociens, mais toujours en petit nombre)

Les gambettes sont particulièrement sensibles au dérangement et lorsque vous les verrez alarmer sur un piquet ou une clôture au printemps ou en début d’été, mieux vaut vous éloigner pour ne pas risquer de compromettre la nichée.

Il est possible d’observer des gambettes tout au long de l’année même si ils sont beaucoup moins présents en hiver. Ils sont communs lors des migrations dans les marais d’eau douce notamment, mais aussi dans les eaux saumâtres des salines et lagunes côtières.

Plumage nuptial et plumage d’hiver des Chevaliers arlequins

Chevalier arlequin

Les chevaliers arlequin. Les pattes rouges sont le signe distinctif que les adultes partagent avec les gambettes. La base inférieure du bec (qui est plus long que celui du gambette) est rouge également, mais la partie supérieure est noire sur tout son long. Le bec est légèrement recourbé vers le bas à sa pointe. Le plumage varie du noir profond sur tout le corps en période de nidifications au gris clair en hiver et se bariole de 50 nuances de gris, blanc et noirs entre ces deux périodes. 

Les Arlequins ne nichent pas en Camargue, ils lui préfèrent les étendues sauvages des toundras de Laponie et ne sont donc que de passage en migration. Le cri est un tu-i clair.

Il arrive que l’on assiste à des parties de pêches collectives durant lesquelles des troupes pouvant atteindre plusieurs dizaines d’individus se regroupent pour écumer fébrilement des mares peu profondes.

Chevaliers sylvains envisageant un combat

Chevalier sylvain

Le chevalier sylvain, tout comme le culblanc auquel il ressemble, niche dans la taïga lapone et sibérienne et s’observe essentiellement lors de la migration. De teinte grise olivâtre avec un bec gris et un sourcil blanc généralement bien marqué. Les pattes sont jaunâtres tirant légèrement sur le vert. Le sylvain apprécie les rizières en eau lors de leur remplissage ou dans les trouées de végétation qui subsistent parfois en fin d’été. Il fréquente essentiellement les marais d’eaux douces.

Chevalier culblanc dans les rizières

Chevalier culblanc

Les Chevaliers Culblancs apprécient les mêmes milieux que les Sylvains avec une prédilection marquée pour les bords de canaux et roubines. Ils nichent également dans le grand nord. On peut les rencontrer toute l’année en Camargue même si les populations sont faibles en hiver et au cœur de l’été. Il est fréquent de les voir surgir au dernier moment d’un fossé en poussant des cris vigoureux (un tip tip tip montant) à la plus grande surprise des promeneurs qui n’avaient pas décelé leur présence.

Ils arborent un plumage beaucoup plus sombre que les sylvains, avec une limite bien marquée entre le haut du corps presque noir et le ventre blanc immaculé. En vol, le dessous des ailes est uniformément noir, alors qu’il est grisâtre chez le sylvain.

Chevalier guignette au Vigueirat

Chevalier guignette

Les Chevaliers Guignettes sont fréquents en bordure des canaux et des fossés. De petite taille, Ils sont plutôt bas sur pattes (pour des chevaliers en tout cas). Nerveux, Ils arpentent inlassablement les berges, fréquemment en hochant la queue. Lorsqu’ils sont dérangés ils s’envolent d’un vol tendu, rigide caractéristique, au ras de l’eau en poussant un di-di-di-di sonore, puis se reposent bien souvent quelques dizaines de mètres plus loin. Ils nichent le long des fleuves et rivières un peu partout en Europe.

Chevalier aboyeur à la Capelière

Chevalier aboyeur

Les Chevaliers Aboyeurs sont les chevaliers les plus massifs d’Europe. Leur corpulence  et leur long bec légèrement retroussé leur donne une silhouette typique. La teinte générale du haut du corps est grise, les longues pattes sont d’un gris jaunâtre. Les cris rappellent ceux du chevalier gambette en plus durs, plus graves et plus courts.

Chevalier stagnatile au Pont-de-Gau

Chevalier stagnatile

Les Chevaliers Stagnatile sont les plus rares des chevaliers abordant régulièrement nos marais. Ces dernières années, une dizaine d’individus fréquente chaque année les abords de l’étang de Ginès et du pont-de-Gau en fin d’été. Ces oiseaux originaires de Sibérie empruntent une voie de migration beaucoup plus orientale que les autres chevaliers Européens ( Sibérie, mer noir, Grèce et Moyen-Orient, avec un hivernage en Afrique de l’Est ou en Asie). Le Chevalier Stagnatile ressemble à un Chevalier Aboyeur miniature. Sa taille et sa silhouette sont beaucoup plus menues. Le bec est très fin, comme une aiguille, et généralement droit.

Combattant varié au passage d’automne

Combattant varié

Autrefois nommé Chevalier combattant, les scientifiques le rapprochent aujourd’hui de la famille des bécasseaux. Mais son allure générale rappelant les chevaliers, il apparaît utile de le faire figurer Ici pour en faciliter l’identification.
Il est très peu fréquent de voir les combattants mâles en plumage nuptial en Camargue ce qui est dommage. Les mâle arborent alors des livrées bariolées avec d’épaisses crinières rousses, blanches, noires parfois les trois en même temps. Ils traversent précipitamment la Camargue au printemps pour rejoindre leurs places de combat, au pays bas ou en Scandinavie (quelques couples nichent cependant dans les marais de l’ouest de la France et en Bretagne et Normandie). Hors de la période de reproduction, les mâles retrouvent un plumage proche de celui des femelles. Le dos des combattants apparaît comme écaillé. Cette caractéristique permet de les différencier de toutes les espèces de Chevaliers Européens.

Chevalier bargette, une rareté venue d’orient

Chevaliers rares de Camargue

C’est une des particularités de la Camargue d’être un lieux privilégié pour l’observation des oiseaux rares. Les chevaliers ne sont pas en reste avec des égarés nord-Américains observés rarement ou exceptionnellement, parfois des oiseaux égarés d’Asie ou du moyen orient tel ce chevalier Bargette (rencontré de loin  dans les marais du Vigueirat en Août 2015) s’égarent en Camargue.

Images et textes : Laurent Wittmer