Le riz en Camargue (partie 2)

Précédemment, nous avons eu un bref aperçu de l’historique et du présent de la culture du riz en Camargue. Cet article traitera plus particulièrement du rôle de la riziculture pour les oiseaux aquatiques au fil des saisons.

Mars-Avril

C’est à la fin de l’hiver que les parcelles sont préparées : entretien et dégagement des canaux et des digues, aplanissage des terrains.

Pour offrir des conditions optimales dans toute la parcelle, le sol doit être parfaitement nivelé afin d’éviter les trous dans la culture. Aujourd’hui, cette opération est devenue très précise du fait de l’usage de télémètres lasers.

Tracteur suivi de quelques hérons garde-boeufs

La parcelle n’est alors que peu fréquentée par les oiseaux, sauf au passage du tracteur qui en remuant la terre met temporairement à jour les insectes et mammifères sous-terrains.

Les Hérons, Aigrettes, Mouettes et Goélands suivent avec intérêt ces travaux débusquant une proie ça et là.

Fin avril-mi mai

C’est la période des semences dans le delta et ses alentours. Pour faciliter l’implantation du riz, les graines sont souvent pré-germées avant d’être dispersées. Les rizières sont ensuite rapidement mises en eau, en une période qui coïncide notamment avec la migration des limicoles (petits échassiers).

Chevalier sylvain en plumage nuptial dans une rizière

Ces vastes surfaces inondées et peu profondes, peu envahies par la végétation et gorgées d’insectes sont alors une aubaine pour nombre d’oiseaux. Chevaliers, Echasses blanches, Gravelots, Mouettes mélanocéphales, Ibis, Sternes notamment, sont très visibles.

Mouettes mélanocéphales dans une rizière de Port-Saint-Louis du Rhône

C’est à ce moment que commencent à résonner les détonations des canons destinés à éloigner les flamants roses des rizières. En effet, lors de la semence, ils peuvent être des centaines à fréquenter une parcelle. Le problème étant alors moins la consommation des graines elle même que leur enfouissement sous les pattes des flamants.

Juin à fin Août

Durant toute cette période le riz est en croissance. Une période difficile pour le riziculteur qui doit veiller à maintenir le niveau des eaux, tenter de gérer la salinité des terrains et des eaux ajoutées.

Rizières en juin

Dans la plupart des exploitations se succèdent durant toute la saison les traitements insecticides, herbicides et les engrais. Ces traitements étaient autrefois exécutés au grand jour à l’aide de petits avions et ULM d’épandage en particuliers. Aujourd’hui ils sont souvent appliqués de nuit, plus discrètement mais aussi avec moins de risques pour les promeneurs. Les parcelles bénéficiant d’une gestion bio demeurent rares.

Les rizières sont peu propices à la reproduction des oiseaux de par le traitement intensif dont elles font l’objet. Seuls quelques trous dans la culture (dus à une erreur de semences, à des variations de niveau d’eau ou autres incidents) permettent aux oiseaux et notamment aux ibis falcinelle, de se regrouper. Le nicheur le plus commun semble être le canard colvert.

Fin Août

Bécassines des marais dans une rizière du Sambuc

L’irrigation cesse à partir de la fin Août, afin d’assécher la parcelle et de permettre le passage de la moissonneuse. De larges espaces de terre se découvrent peu à peu autour desquelles s’amassent les insectes. Cette période coincide à nouveau avec la migration des petits échassiers. Aux adultes de l’année précédente se joignent les jeunes nés ce printemps rendant ce passage plus massif encore. Les Sternes Hansel et Glaréoles à collier en dispersion sont souvent observées dans les rizières en cette période.

Chevalier culblanc dans une rizière du Sambuc

Mi-septembre-fin octobre

C’est la période de la récolte. Celle-ci se fait lorsque le grain atteint un degré de maturité optimum, mais aussi lorsqu’il renferme le moins d’humidité. La période favorable de moisson varie en fonction de la combinaison de ces deux facteurs. Les moissonneuses sont équipées de chenilles le sol restant encore très boueux.

Récolte du riz au Sambuc

Les pailles de riz restent au sol quelques jours à quelques semaines dans les parcelles qui sont alors fréquentées par les hérons et cigognes à la recherche d’insectes ou petits mammifères en maraude.

Cigognes et garde-boeufs dans les chaumes d’une rizière au Sambuc

Les pailles sont ensuite traditionnellement brulées (écobuage), les cendres nourrissant le sol. Cette technique traditionnelle devient cependant moins fréquente. Aujourd’hui les pailles sont le plus souvent broyées et enfouies sous terre où elles continuent leur bio-dégradation.

Brulage des pailles de riz

Automne-Hiver

Les terres sont au repos ou bien préparées pour de nouvelles cultures (Blé d’hiver). Les cultures sont appliquées par rotation : aux années de culture de riz succèdent des années d’autres cultures. Les apports d’eau douce liés au riz lavent temporairement le sol de son sel, permettant des cultures plus traditionnelles, jusqu’à ce que le sel revienne à la surface, entrainant une nouvelle mise en eau et riziculture.

Les parcelles au repos en hiver sont souvent fréquentées par les Hérons cendrés et les Grandes Aigrettes qui y trouvent un repos sûr et ne rechignent pas à boulotter un mulot de temps à autre.

Grandes aigrettes au dortoir en hiver

Les champs sont également fréquentés par des groupes, parfois importants, de grues cendrées qui consomment les grains restés au sol après la récolte.

Famille de Grues cendrées dans un champs ayant accueilli une rizière

La culture du riz influence de manière importante les équilibres écologiques et économiques de la Camargue. Elle y constitue le principal apport d’eau douce, le réseau de canalisation permettant également d’alimenter les marais d’eau douce et de chasse. En cela elle compense partiellement l’absence des crues du Rhône qui autrefois fournissaient son eau douce au delta.

IL est difficile de dire comment va évoluer la Camargue dans les années à venir, mais la riziculture devrait être associée à ces processus même si on peut la souhaiter moins industrielle et faisant moins appel aux produits chimiques .