A l’origine, loin de la Camargue, le 15 Juillet 1979.

Muni d’une paire de jumelle tout juste héritée de mon grand-père et d’un guide d’initiation aux oiseaux, après une nuit écourtée par l’excitation, je me prépare, du haut de mes 13 années, à vivre ma première grande émotion naturaliste.

Il est 6h00 je sors de la petite maison louée pour les vacances par la famille à la Faute-sur-Mer en Vendée et je gagne la plage. c’est une de ces matinées fraiches ou l’air est léger, je suis seul sur l’immense plage. Les sons que transporte le vent ne sont pas encore emplis des ébats des vacanciers qui fréquenteront la plage dans quelques heures. seuls le bruit des vagues, le crissement du sable et déja les premiers cris d’oiseaux emplissent l’air.

Mes pas me transportent vers le nord le long de la plage. l’ambiance se transforme.

une odeur acre, mais pas désagréable effleure mes narines, cette odeur qui m’est aujourd’hui familière, qui suscite en moi un plaisir étrange et qui est imprimée en ma mémoire comme pouvait l’être celle de la madeleine pour Proust : l’odeur de la vase !

Ces marais que j’ai rejoint par hasard sont ceux de la Belle-Henriette, une lagune qui longe la plage entre la Faute et la Tranche sur mer. Cet espace remarquable n’est alors pas encore protégé, c’est aujourd’hui, fort heureusement, devenu une réserve naturelle.

Des cris aigus brefs et précipités, “kik-kik-kik” un oiseau effronté m’interpelle et volette autour de moi. Pas vraiment confiant, mais pas vraiment distant non plus. Ce n’est que par la suite que je comprendrai que ce comportement était destiné à m’éloigner de poussins probablement dissimulés à proximité.

Je le fixe dans les jumelles et suis stupéfait : des pattes rouges démesurées, le reste du corps est blanc, avec une poitrine légèrement rosée, les ailes sont en revanche d’un noir profond, tout comme le haut de la tête, un trēs long cou, un long bec. Cet oiseau qui pourrait être dégingandé (il s’agit de celui qui a les pattes les plus longues par rapport a son corps) est au contraire d’une incroyable élégance.

Après quelques heures passées à la découverte de quelques autres de ces cigognes miniatures, je finis par chercher a  donner un nom à ces oiseaux.

Je feuillette fébrilement le mini-guide. oui c’est un petit échassier, ça ressemble a des avocettes, mais ça n’en est surement pas : le bec est long et tout a fait droit et non recourbé vers le haut. Mon oiseau reste introuvable ! pourtant, c’est évident a mes yeux, il devrait être à la une de tout guide digne de ce nom.

Un peu frustré de ne pouvoir le nommer, je regagne la maison alors que la plage est envahie par ses nouveaux occupants ruisselants de creme a bronzer, surgissants de la ville et des nombreux campings ėtablis en bordure du marais.

Mais quel est donc cet oiseau étrange ?

J’ouvre le dictionnaire piece essentielle des parties de scrabble familiales, cherche échassier et… mon oiseau est là ! en photo dans le petit larousse : il s’agit d’une échasse blanche ! On ne pouvait mieux la nommer.

Photos Laurent Wittmer -reproduction interdite-

Pour observer l’échasse

L’échasse se nourrit en longeant les berges en picorant à la surface ou au fond de l’eau des larves d’insectes, des coléoptères ou de vers de vase. Il lui arrive parfois de capturer des tétards et petits poissons. La longueur de ses pattes lui permet de s’aventurer là ou la plupart des autres petits échassiers ne peuvent accéder.

Lorsqu’une échasse se nourrit le long de la berge a plus d’une centaine de mètre et vient dans votre direction, il peut suffire de s’asseoir près de la berge et de patienter sans mouvements brusques jusqu’à ce qu’elle s’approche suffisamment pour être vue de près. Dans des lieux très fréquentés par les échasses, vous pourriez ainsi peut-être assister a quelques scène de leur vie agitée : poursuites effrénées pour délimiter le territoire, parades nuptiales…

En revanche si les oiseaux crient à votre passage et volettent autour de vous, éloignez-vous, le nid doit se trouver à proximité et vous pourriez compromettre la nichée !

Où la voir ?

J’ai souvent eu l’occasion de rencontrer l’ėchasse en France, de la Picardie à la Camargue, en passant par la facade atlantique, mais aussi à l’intérieur des terres en Brenne, Sologne, Forez, dans les Dombes.

En Europe elle est fréquente dans toutes la partie méridionale, notamment sur le pourtour de la Méditerrannée. La plus grande partie des échasses Ouest Européennes quittent nos contrées en septembre-octobre et passent l’hiver dans le sud de la péninsule ibérique, en Afrique du nord, voire au delà du Sahara. Elles sont de retour dès la fin du mois de mars.

Du fait de ses réelles capacités d’adaptation, l’échasse blanche est une espèce qui se porte assez bien et qui est même en expansion vers le nord depuis quelques années, réchauffement climatique oblige, (Angleterre, pays-bas). La principale menace pourrait être la raréfaction des zones humides. L’échasse blanche est protégée en France.

Les colonies situées à l’intérieur des terres en Brenne, Sologne etc… sont beaucoup plus fragiles et les oiseaux y sont généralement nettement plus méfiants et sensibles au dérangement.

En Camargue

En Camargue, elle est fréquente de la fin mars quand apparaissent les premiers regroupements, jusqu’au mois d’octobre.

Les échasses fréquentent volontiers les marais d’eau douces et saumâtres autour des Saintes-maries de la mer et les pourtours du Vaccarès (la Capellière, centre d’accueil de la réserve nationale), on les observera également aux alentours de la palissade à Salin-de-Giraud. Hors du delta, vous rencontrerez facilement l’échasse dans les marais du Vigueirat à l’est du Rhône ou aux alentours de l’étang de Scamandre et de la Tour Carbonnière en Camargue Gardoise à l’Ouest.