Avril, au petit matin, à proximité de l’un des observatoires du sentier de la Palunette, dans les marais du Vigueirat.
A l’approche du poste règne une agitation inhabituelle : cris rauques, clapotis, envols…
A travers les lucarnes, à quelques dizaines de mètres, une cinquantaine d’oiseaux s’affairent : hauts sur pattes, longs becs courbés vers le bas, plumages luisants aux nuances de pourpre et de vert, ce sont des Ibis falcinelles.
Les ibis explorent méthodiquement les eaux peu profondes du marais. Au menu, l’Ecrevisse de Louisiane figure en bonne place.
Cette écrevisse originaire d’Amérique du nord, à été importée dans les années 1970 dans les élevages Européens dont elle s’est échappée pour ensuite proliférer dans la nature et envahir presque tout le continent. Cela au détriment de l’écrevisse autochtone : l’écrevisse à pattes blanches devenue aujourd’hui très rare en France.
Toujours est-il que dans le cas présent, l’abondance de crustacés fait le délice de nos héros du jour. Il se pourrait d’ailleurs que la présence de plus en plus nombreuse des ibis en Camargue soit en partie liée à la l’expansion des écrevisses américaines et de la ressource alimentaire supplémentaire qui en découle.
Pour l’instant, je profite pleinement des excellentes conditions de proximité pour observer le comportement des ibis face à ce met de choix.
L’ibis, spécialiste du sushis d’écrevisse.
Les écrevisses semblent abondantes et pas très compliquées à débusquer dans la végétation aquatique du marais, à peines quelques secondes de fouille suffisent pour en trouver une. Quant à les déguster, c’est une toute autre affaire ! Le bec long et arqué ne facilite pas la chose : Il faut dépiauter la proie de sa carapace, enlever tout ce qui dépasse : queue, pattes, antennes et attendrir l’ensemble jusqu’à former une pelote que l’on pourra finalement ingurgiter si elle ne s’avère pas trop volumineuse. Une affaire compliquée qui demande de la patience, l’opération peut prendre un bon quart d’heure.
Un jeune Ibis se rabat sur une grenouille, mais la tâche n’est pas beaucoup plus aisée : elle ne se laisse pas faire et les pattes ne sont pas simples à gérer.
Le relevé des bagues de quelques oiseaux indiquent qu’ils sont nés ici en Camargue, soit au Vigueirat, soit à Scamandre, dans le Gard.
A proximité, un grand cormoran est en pêche, ainsi que des Grandes Aigrettes, des Spatules blanches tamisent les fonds vaseux avec leurs becs… spatulés, des Sarcelles d’été s’attardent sur le marais, des Sternes pierregarin paradent, ambiance sauvage garantie.
Un spectacle qui va durer deux heures, jusqu’à ce que la chaleur arrivant, les ibis se retirent dans le fond de l’étang pour se lisser les plumes et entamer une sieste.
images et texte : © L.Wittmer