Il y a 35 ans, alors que j’étais un très jeune ornithologue passionné, l’un de mes rêves les plus inaccessible était de rencontrer la Grande Aigrette.
Cela pourra surprendre les moins agés d’entre nous qui la côtoient aujourd’hui dans toute les régions de France, mais à l’époque l’espèce était d’une extrême rareté dans le pays et son observation un fait exceptionnel et marquant.
Aussi, lorsque j’apprenais qu’une dizaine d’oiseaux hiverneraient sur le marais de la Grand-Mar, en Camargue, j’entreprenais un voyage hivernal, ou plutôt parvenais à convaincre des amis proches, habitants la provence et dotés d’un véhicule, de faire une visite d’une journée en Camargue – ( Merci à Jacotte 🙂 )
C’était une belle journée de décembre…
… sans mistral mais froide malgré tout. Le givre recouvrait encore les salicornes rougies par l’hiver alors que nous contemplions un merveilleux lever de soleil sur l’étang du Vaccarès depuis la digue de Méjanes à Cacharel.
Reprenant la route, nous ne tardions pas à rejoindre la Grand-Mar. Tout de suite, mon regard se portait sur de grands oiseaux blancs. Un coup de jumelles ne tardait pas à me renseigner : il ne s’agissait pas des aigrettes, mais d’une autre grande rareté habituée des lieux : Des Cygnes de Bewick, venus des contrées sauvages de Sibérie pour passer l’hiver en Camargue.
Cette magnifique observation d’une vingtaine d’oiseaux aurait suffit à mon bonheur, mais subsistait le désir de cette rencontre tant attendue avec la grande aigrette.
Mon voeu fut rapidement exaucé. Une silhouette blanche s’approchait en vol depuis le fond de l’étang. Les battements amples de ses larges ailes, contribuent à donner à cet oiseau en vol un air en même temps majestueux de part sa taille, et comique de par son vol papillonnant, comme monté sur ressort qui voit l’oiseau monter puis redescendre à chaque battement d’ailes.
Alors que l’aigrette rejoignait une petite troupe de ses congénères (elles étaient maintenant 7 dans l’oculaire de ma longue vue) je pu enfin les observer tout à loisir et pris un plaisir énorme à admirer ces oiseaux dans leur partie de pêche. Le très long cou, le bec solide, jaune orangé en hiver, la grande taille de ces oiseaux les rends difficiles à confondre. De même, leur élégance, mélange tout à la fois de la finesse et de la blancheur immaculée du plumage et de la robustesse de l’oiseau est caractéristique.
Tout autour, des centaines de sarcelles, canards siffleurs, souchets, chipeaux, pilets, fuligules milouins contribuaient à compléter le tableau sauvage que formait cette ambiance hivernale,(aujourd’hui en revanche, les canards sont devenus plus rares en Camargue).
Un rêve éveillé, au point d’en oublier que l’on se trouvait sur le bord d’une route rapide et que nous étions séparé du marais par une clôture infranchissable.
La grande Aigrette en Camargue
Aujourd’hui, des centaines de couples nichent en Camargue, et des milliers y passent l’hiver, mais je retrouve toujours cette même émotion à admirer et filmer ces oiseaux qui me procurent toujours un plaisir particulier.
Les raisons de l’expansion de cette espèce originaire d’Europe centrale et orientale sont en partie connues : au 19e siècle, la plumasserie était friande des grandes plumes blanches de l’aigrette et avait provoqué des massacres dans les colonies jusqu’à sa quasi disparition. Avec l’arrêt de cette activité, puis la protection progressive des hérons dans toute l’Europe (1976 en France) l’espèce à pu reconstituer ses effectifs puis conquérir de nouveaux territoires, aidée semble t’il par des hivers moins rigoureux du fait du réchauffement climatique, et peut -être aussi par une augmentation de certaines ressources piscicoles.
Pour en savoir plus sur l’expansion de la grande aigrette en Europe et en France, une excellente synthèse à lire sur le site zoom-nature.fr
© texte et photos : L.Wittmer