Le balbuzard pêcheur – balbu pour les intimes – est l’un de nos chouchous. Pour des raisons différentes, ornithos et photographes l’apprécient.
Ce grand oiseau élégant – c’est une sorte d’aigle – a le bon goût de se nourrir exclusivement de poissons. Et de poisson frais puisqu’il le pêche lui-même.
C’est un spectacle à part entière de l’observer pêchant: il patrouille méthodiquement au-dessus du plan d’eau choisi, à vingt ou trente mètres d’altitude, de son vol battu tranquille.
S’il aperçoit un poisson de la taille requise, le plus souvent entre 500G et 1kg, il se met un instant en vol stationnaire et pique brutalement vers sa proie, ailes et pattes repliées en recherche de vitesse; à environ un mètre cinquante de la surface, il lance ses pattes en avant, serres ouvertes : l’effet de surprise aidant, une fois sur deux environ, le poisson est pris par les serres dans une spectaculaire gerbe d’eau! le plus dur reste à faire: on le voit peiner à s’élever, chargé de son repas et trempé.
Son premier soin est de s’ébrouer puis de mettre le poisson dans le bon sens pour pouvoir le tenir dans la longueur avec ses deux pattes. Si goélands ou mouettes ne lui disputent pas son repas, il gagnera un arbre ou un piquet pour le manger entièrement en commençant toujours par la tête: âmes sensibles s’abstenir !
Le balbuzard est présent presque partout dans le monde, excepté dans le grand nord et le grand sud pour des raisons évidentes de difficulté à se nourrir lorsqu’il gèle. En Europe, il est nicheur en Scandinavie et en Ecosse,dans les Pays baltes et dans la moitié nord de la France, en Suisse et en Allemagne.
Mais alors, la Camargue ?
C’est qu’il hiverne en Afrique , fuyant le gel et, pour aller du Nord en Afrique, l’une de ses routes passe chez nous. Dans le sens Afrique/Nord, il ne perd pas de temps, pressé par la perspective de la nidification: une nuit ici, rarement deux. Au retour, en revanche, nous avons cette chance qu’il souhaite prendre des forces avant de traverser et quinze jours ne sont pas rares. Si bien qu’il y a parfois embouteillage. Un matin il y a 3 ans nous en avions huit qui pêchaient simultanément, ce qui n’est pas simple pour les photographes.Cette concentration a un revers: les goélands ne peuvent ignorer leur présence et trouvent là un moyen de se nourrir à peu de frais ni fatigue: dès qu’il a pêché avec succès, le balbu est harcelé par deux, trois, quatre goélands qui parviennent parfois à leur fin: le poisson tombe, pas perdu pour tout le monde !
Chez nous, il pêche essentiellement des muges (mulets) et des loups (bars) aussi bien dans les étangs saumâtres qu’en mer côtière. Mais il n’est pas sélectif, j’en ai pris avec daurades, turbots, et brochets ou sandres dans le Rhône et les canaux d’eaux douce. Ce qui lui a d’ailleurs valu durant des décennies d’être exterminé par les chasseurs – souvent également pêcheurs – qui supportaient mal cette concurrence non taxée !
Buffon affirme vers 1750 qu’il est beaucoup plus commun « en Bourgogne, qui est dans le centre de la France que sur aucune de nos côtes maritime» et Brehm, cent ans plus tard est péremptoire: «dans nos pays, il est avec raison, poursuivi sans pitié comme le pire ennemi -avec la loutre- de nos pêcheries avant d’ajouter qu’en Amérique du Nord, l’arrivée d’un couple est annonciateur de prospérité ».
Il fait partie aujourd’hui des espèces strictement protégées et, sauf cas particuliers, non menacées.
C’est en tout cas un des plus beaux oiseaux de France, et le spectacle d’une pêche de balbu en Camargue sur le Vaccares ou à Piémanson vaudrait à lui seul le déplacement !
© Texte et photos Gérard Rossini
Vous pouvez vivre en direct la nidification du balbuzard pêcheur sur la Loire depuis ce site : balbucam